L’abaissement du niveau de Lipoprotéine (a), le futur « blockbuster » en remplacement des statines ?

Pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de la lipoprotéine(a) et sans trop rentrer dans les détails, celle-ci est une lipoprotéine semblable aux LDL, mais possédant une apolipoprotéine supplémentaire et spécifique, l’apo(a), dont la structure originale lui confère une importante homologie avec le plasminogène. La concentration plasmatique en lp(a) est relativement constante au cours du temps à des concentrations variant de 10 à 1 200 mg/L et dépend à 90 % du gène de l’apo(a). Elle n’est influencée ni par l’âge, ni par les régimes alimentaires1.

Il semblerait que un taux élevé de cette lipoprotéine(a) soit responsable d’une augmentation des maladies cardiovasculaires. Je mets ceci au conditionnel, car les quelques études que j’ai pu lire sont des études observationnelles (relation ne signifiant pas toujours causalité…) et ne sont absolument pas unanimes sur les conclusions !

Une étude financée par le laboratoire Akcea Therapeutics a donc eu pour but de tester un nouveau médicament faisant baisser le niveau de cette fameuse lipoprotéine(a).

Pour ce faire, 286 patients ont été répartis en 5 groupes :

  1. APO (a) -L Rx à la dose de 20 mg toutes les 4 semaines
  2. APO (a) -L Rx à la dose de 40 mg toutes les 4 semaines
  3. APO (a) -L Rx à la dose de 60 mg toutes les 4 semaines
  4. APO (a) -L Rx 20 mg toutes les 2 semaines ou 20 mg toutes les semaines
  5. Placebo physiologique salin

Pour recueillir des données supplémentaires sur l’innocuité et l’efficacité à long terme, le traitement a été poursuivi jusqu’à 1 an ou jusqu’à ce que le dernier patient recruté ait atteint 6 mois de traitement. La période de suivi post-traitement a duré 16 semaines pour tenir compte de la longue demi-vie du médicament.

On peut aussi noter que la majorité des patients (entre 83 et 92 % selon les groupes, y compris celui sous placebo) étaient déjà sous statines et pour la plupart à la dose maximale, avec en plus pour certains de l’ézétimibe  (40 à 50 % des patients) ou un inhibiteur de PCSK9 (environ 20 % des patients). Donc des patients déjà plus qu’assommés par un ou plusieurs traitements faisant baisser le cholestérol…

Bien évidemment le labo se félicite de la baisse du niveau de lipoprotéine(a) qui, à 6 mois d’exposition, atteint 35 % à la dose de 20 mg toutes les 4 semaines, 56 % à 40 mg toutes les 4 semaines, 58 % à 20 mg toutes les 2 semaines, 72 % à 60 mg toutes les 4 semaines et 80 % à 20 mg toutes les semaines, contre 6 % pour le groupe placebo.

Aucune mention de la réduction des évènements cardiovasculaires ni de la mortalité. Par contre, pour ce qui est des effets secondaires indésirables, nous avons droit à un festival :

  • Des événements indésirables sont survenus chez 90 % des patients recevant APO (a) -L Rx et chez 83 % de ceux recevant un placebo
  • Des événements indésirables graves sont survenus chez 10 % des patients recevant APO (a) -L Rx et chez 2 % des patients sous placebo (+79 % d’augmentation en % relatifs…)
  • Les autres événements indésirables survenus chez plus de 10 % des patients ayant reçu APO (a) -L Rx et plus fréquents que dans le groupe placebo étaient une infection des voies urinaires (13 % contre 6 %, soit +55 %), une myalgie (12 % contre 11 %, soit + 10%) et maux de tête (11 % contre 8 %, soit +30 %)

Ces effets secondaires indésirables se cumulant bien évidemment avec ceux induits par les statines, l’ézétimibe ou les inhibiteurs de PCSK9 (y compris pour le groupe placebo…).

Pour terminer, rien de bien concluant dans cet essai, à l’instar de ses prédécesseurs censés remplacer les statines : ézétimibe, inhibiteurs de CETP et PCSK9 qui n’ont toujours pas fait montre d’une quelconque efficacité.
Par contre les conditions de l’essai m’ont bien fait sourire : « Akcea Therapeutics a parrainé l’essai et était responsable de sa conduite et de sa surveillance, de la collecte et de la gestion des données, ainsi que des analyses statistiques et de l’interprétation des données. Le protocole a été approuvé par les autorités sanitaires compétentes, les commissions d’examen institutionnelles et les comités d’éthique. Un auteur universitaire et un auteur qui est un employé du promoteur ont rédigé la première ébauche et la dernière ébauche du manuscrit et se portent garants de l’exhaustivité et de l’exactitude des données et de la fidélité de l’essai au protocole. ». Autrement dit, nous avons un essai clinique financé par Akcea Therapeutics, qui à tout mené et contrôlé depuis le recrutement des patients, la collecte des données, leurs traitements, jusqu’à la supervision effectuée par… des employés de cette société…

Tout ceci conduit à émettre quand même de sérieuses réserves quant à la transparence et l’indépendance de cette étude !

 

 

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