50 ans déjà, suite…

Suite à l’article « 50 ans déjà », un lecteur a laissé un commentaire qui n’a strictement rien à voir avec le contenu de celui-ci, mais que je trouve particulièrement intéressant.
Ce lecteur fait référence à un article paru sur le site du journal Sud-ouest en ces termes : « 50 ans … de désinformation (si ce n’était que cela)… et ça continue, avec ce monument : Diminuer le taux de cholestérol avant 45 ans : les préconisations d’une étude pour réduire les risques d’AVC ». Effectivement, ce lecteur a tout à fait raison, on peut considérer l’article de Sud-Ouest comme un monument à la gloire des statines, écrit par un soi-disant journaliste qui surtout n’y connaît strictement rien. En outre, cet article ne cite même pas la source et s’en tenir à « une étude a démontré que… » me semble quelque peu léger. Si j’étais coutumier de ce genre de pratique, il y a longtemps que j’aurai fermé boutique…
Pour en revenir au contenu de cet article, celui-ci est copie conforme d’une dépêche de l’AFP, d’ailleurs reprise en cœur par de multiples journaux1 (comme quoi, le journalisme se résume souvent à un copier/coller des dépêches AFP…), ce qui m’a poussé à voir exactement ce dont il retourne.
Je suis donc allé voir sur le site de l’AFP où j’ai retrouvé l’article original2. Celui-ci ne citait pas non plus la source mais précisait que cette étude était parue sur The Lancet. Direction donc le site du Lancet où j’ai finalement réussi à trouver le texte intégral de l’étude3 (vous conviendrez que je n’ai pas un métier facile…).
Pour ce qui est de l’étude, à partir de données extraites de diverses études et grâce à de complexes et savants calculs, les auteurs sont arrivés à la conclusion que la probabilité hypothétique de maladie cardiovasculaire à l’âge de 75 ans, après une diminution de 50 % du cholestérol LDL à partir de 45 ans, serait réduite de 16,6 à 3,6 % chez la femme et de 28,8 à 6,4 % chez l’homme avec un NNT pouvant atteindre 4,6 chez les hommes et 2,6 chez les femmes.

C’est tellement beau que j’en pleurerais…

Pour commencer, il s’agit d’une étude prospective. La presse et tous les thuriféraires des statines, n’étant plus à un retournement de veste près, eux si prompts à critiquer ce type d’étude (relation ne signifiant pas forcément causalité…) lorsque qu’elles dénoncent la nocivité des statines n’hésitent apparemment pas à l’encenser lorsqu’elle sert les intérêts des industries pharmaceutiques !
Ensuite, j’ai cherché plus de renseignements sur les études ayant servies de référence. Ce qui m’a vite gonflé, car d’une part, le peu de trace de la plupart ne m’ont pas permis de récupérer des données exploitables et d’autre part, celles dont j’ai pu récupérer les résultats, telle l’étude HUNT4 ne prouvaient aucunement que faire baisser le cholestérol à outrance avait une quelconque efficacité (bien au contraire, cette étude démontrait même qu’un taux de cholestérol trop bas aggravait la mortalité…). J’ai donc un peu de mal à comprendre comment, à partir d’étude qui n’ont jamais démontré une quelconque efficacité des statines ( surtout pour ce qui est des AVC) en prévention secondaire  (je ne parle même pas de celles en prévention primaire qui n’ont jamais rien démontrées du tout…) et d’autres qui démontre qu’un taux de cholestérol trop bas est néfaste pour la santé, on arrive à des résultats aussi formidables !

La magie de l’analyse prédictive très certainement !

J’ajouterai aussi que l’élément le plus important, c’est-à-dire une bonne hygiène de vie, n’est absolument pas pris en compte dans cette d’étude. Pourtant même « l’American College of Cardiology/American Heart Association », on ne peut plus vendues aux labos, dans ses dernières recommandations sur la gestion du cholestérol (Guideline on the Management of Blood Cholesterol5) qui font référence dans le monde de la cardiologie met la directive suivante en première position : « Chez tous les individus, mettez l’accent sur un mode de vie sain pour le cœur tout au long de la vie. » Mais il est vrai qu’il est plus important (et surtout rentable) de coller des statines à partir de 45 ans que de conseiller aux patients (et surtout à ceux ayant déjà eu un problème cardiovasculaire) de manger sainement, faire du sport et surtout arrêter de fumer…
Pour terminer, l’article cite le professeur Jennifer G. Robinson qui estime que « Les données actuelles sur les statines n’ont pas évalué des traitements durant plusieurs décennies, ce qui signifie que le risque d’effets indésirables – qui modifieraient le ratio bénéfice-risque – n’est pas clairement établi ». Mais ma pauvre dame, les risques des statines sont clairement identifiés et lorsque l’on voit les dégâts que peuvent causer celles-ci sur une durée de quelques années, l’importance de ceux-ci sur une durée de plusieurs décennies ne peut-être que tout simplement catastrophique !
Et sans vouloir être méchant (ni faire du labo-bashing6…), on ne s’étonnera pas qu’une étude dont la majorité des auteurs est rémunérée par tous les labos produisant des statines soit favorable à celles-ci…

 

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