La fondation Bill & Melinda Gates, le summum de l’hypocrisie (3) ?

Donc, le premier credo de la fondation Bill & Melinda Gates est la vaccination tous azimuts, particulièrement en Afrique.

Le business des vaccins

Les vaccins sont un business extrêmement lucratif et les méthodes de distribution de ceux-ci par les laboratoires pharmaceutiques sont rarement motivées par la philanthropie. L’ONG « Médecins sans frontières » explique les difficultés quelle rencontre pour négocier le prix des médicaments auprès des labos, ces derniers préférant faire des dons qui lui permettent de bénéficier d’allègements d’impôts et maintenir un prix élevé de leurs médicaments1 plutôt que consentir un prix moindre de leurs produits. Un deuxième point critique étant que, pour des questions de brevets âprement défendus par ces mêmes labos, la production locale qui permettrait la production de vaccins et médicaments à moindre coûts est fortement découragée, voire généralement interdite2 !

La fondation Bill & Melinda Gates a donc créé la GAVI (Global Alliance for Vaccines and Immunization) chargée d’améliorer la couverture vaccinale infantile dans les pays pauvres mais surtout pour négocier la fourniture de vaccins auprès des labos. J’ai eu beau fouiller sur leur site, je n’ai trouvé nulle part la composition du conseil d’administration, j’ai juste trouvé la répartition de celui-ci :

  • un siège pour un représentant de l’Organisation Mondiale de la Santé
  • un siège pour un représentant de l’UNICEF
  • un siège pour un représentant de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (la « Banque Mondiale »)
  • un siège pour un représentant de la Bill & Melinda Gates Foundation
  • cinq sièges pour des représentants de gouvernements de pays en développement
  • cinq sièges pour des représentants de gouvernements d’Etats donateurs
  • un siège pour un représentant de l’industrie des vaccins des pays industrialisés
  • un siège pour un représentant de l’industrie des vaccins de pays en développement
  • un siège pour un représentant de la société civile
  • un siège pour un représentant d’instituts techniques de santé/de recherche

Comme on peut le constater, l’industrie du médicament y est représenté (histoire de ne pas couper les liens avec labos), ce qui n’est pas sans poser de questions sur les conflits d’intérêts au sein de cette structure soi-disant indépendante3, surtout lorsque le labo en question réalise 60 % de ses revenus grâce aux contrats de la GAVI4

Le budget de la GAVI, en constante augmentation, a été de 1,7 milliard de dollars pour 20165, celui-ci étant assuré par la fondation Bill & Melinda Gates ainsi que plusieurs pays contributeurs (Allemagne, Arabie Saoudite, Australie, Canada, Chine, République de Corée, États-Unis, France, Inde, Irlande, Italie, Japon, Luxembourg, Norvège, Sultanat d’Oman, Pays-Bas, État du Qatar, Royaume-Uni, Suède et Suisse).

La GAVI négocie les prix vaccins auprès des labos pharmaceutiques pour son seul usage et beaucoup d’ONG, même très importantes et très certainement beaucoup plus présentes sur le terrain, regrettent de ne pas pouvoir bénéficier des mêmes conditions6. En 2011, MSF poussait déjà un coup de gueule sur ce sujet : « Les prix pratiqués pour les vaccins antipneumococciques qui préviennent la pneumonie potentiellement mortelle font la lumière sur un autre aspect de l’histoire des prix. GSK et Pfizer vendent le vaccin à GAVI dans le cadre d’un programme appelé Advance Market Commitment. Andrew Witty, directeur général de GSK, appelle cela un mécanisme de financement innovant; nous décririons cela comme un bien-être social scandaleusement coûteux pour les donateurs et les contribuables. Dans le cadre de l’Advance Market Commitment, GSK et Pfizer vendent 30 millions de doses de vaccin antipneumococcique chaque année à GAVI pour 2 livres chacune. En plus du prix unitaire, ils reçoivent chacun une subvention de 137 millions de livres sterling. Les vaccins antipneumococciques sont sur le marché depuis 2000. Aujourd’hui, ces deux sociétés vendent les mêmes vaccins anti-pneumonie aux pays riches et pauvres. Les subventions visant à inciter Big Pharma à vendre à GAVI n’ont aucun sens » et conclu par : « Le fait est que GAVI doit commencer à penser à des vaccins plus abordables et pas simplement à gueuler pour plus d’argent. »

Pas sûr que les choses aient beaucoup évoluées depuis7

Quant à la fondation Bill & Melinda Gates, celle-ci a versé à la GAVI depuis 2000 plus de 2,5 milliards de $ pour l’achat de vaccins auprès des labos pharmaceutiques. Labos dont la fondation est bien évidemment actionnaire (dans le bilan de 2016, on y trouve les plus importants tels que Novartis, Roche, Sanofi, Merk, AMGEN,Glaxosmithkline, AbbVie, AMGEN, Teva, Novo Nordisk, Gilead pour un montant total de 29 millions de dollars8) ce qui lui permet, en retour, de recevoir de confortables dividendes (n’oublions pas l’essentiel !)…

Le monopole de la GAVI

Parlons maintenant du mode de fonctionnement de la GAVI.

Celle-ci détermine l’éligibilité des pays sur la seule base du revenu national brut (RNB) par habitant (le seuil actuel étant de 1 580 dollars en moyenne au cours des trois dernières années). À mesure que le revenu national franchit ce seuil, les pays commencent à perdre le soutien de la Gavi progressivement pendant une période de cinq ans à l’issue de laquelle les pays doivent financer les vaccins et les programmes de vaccination entièrement par leurs propres moyens. D’ici fin 2020, vingt pays auront complètement perdu le financement de GAVI, seize pays l’ont perdu fin 2017 et huit pays l’avaient déjà perdu9.

Une fois le financement par la GAVI terminé, ce n’est plus le problème ni de celle-ci, ni de la fondation Bill & Melinda Gates ! Quelques pays qui peuvent se le permettre financièrement pourront continuer à financer les campagnes de vaccination par leurs propres moyens en payant les vaccins au prix fort (la GAVI s’engageant néanmoins sur le prix de quelques vaccins, hélas très peu !), les autres se démerderont comme ils le pourront.

En outre, la GAVI, en négociant l’achat de vaccins auprès des labos, n’inclue pas les organisations non gouvernementales et humanitaires dans ses négociations sur les prix, ce qui fait que celles qui souhaiteraient prendre le relais dans un pays que la GAVI aura abandonnée (ou dans des endroits que la GAVI se refuse à prendre en compte, comme les camps de réfugiés ou les pays en situation d’urgence humanitaire10…) devront payer ceux-ci, elles aussi, au prix fort. Et le prix d’une vaccination pour un enfant ayant augmenté de 2 700 % depuis 201111, pas sûr que les choses soient simples, surtout lorsque l’on y ajoute l’opacité des tarifs pratiquée par les labos, certains vaccins étant même vendus moins chers aux pays riches qu’aux pays pauvres12 !

Pour plus de détails sur les pratiques douteuses des labos sur le prix de leurs médicaments, vous pouvez vous référer à ce rapport très complet (The Right Shot : Généraliser l’accès à des vaccins plus abordables et mieux adaptés) publié par MSF et qui explique en détail les pratiques obscures des labos sur les prix de vente de leurs vaccins ainsi que le blocage systématique de toute concurrence.

 

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