La fondation Bill & Melinda Gates, le summum de l’hypocrisie (10) ?

L’AGRA, un gigantesque monopole au service des brevets

Parmi les grandes idées de l’AGRA on peut découvrir celle-ci1 : « L’organisation fournit un soutien opérationnel à des équipes africaines d’amélioration génétique des cultures afin de développer, par des approches traditionnelles, des variétés à plus fort rendement et adaptées aux conditions écologiques de l’Afrique. L’AGRA a également mis en œuvre des moyens pour aider les petites entreprises à cultiver, à reproduire et à commercialiser des semences hybrides de bonne qualité à des prix abordables pour les agriculteurs. »

Autrement dit, Bill Gates, fervent défenseur des monopoles et brevets en tous genres, a choisi à travers l’AGRA d’implanter en Afrique des semences brevetées en s’alliant à Monsanto (en 2006, la fondation Bill & Melinda Gates a d’ailleurs embauché Robert Horsch, ancien directeur de Monsanto pendant 25 ans2) tant il est vrai qu’implanter en Afrique des semences que les agriculteurs n’auront de toutes façons pas les moyens de se payer (un peu comme les dealers de crack : les premières doses sont gratuites, après vous vous démerdez pour payer les suivantes…), sauf à s’endetter un peu plus,est un judicieux moyen de réduire la famine…

D’ailleurs, toujours selon le rapport de l’ONG Grain3, la ventilation par type d’organisation, elle est aussi édifiante :

 

Les centres du CGIAR ont reçu plus de 720 millions de dollars de la Fondation Gates depuis 2003 et ce sont 678 millions de dollars qui sont allés par ailleurs à des universités et des centres de recherche nationaux à travers le monde – plus des trois quarts d’entre eux situés aux États-Unis et en Europe – pour la recherche et le développement de technologies spécifiques, comme des variétés de cultures et des techniques de reproduction.

 

Autrement dit, la plupart des subventions vont à des centres de recherche sur les semences hybrides (génétiquement modifiés) et non pas directement aux agriculteurs. D’autant plus que ces derniers n’ont absolument pas droit à la parole, L’AGRA tentant d’imposer directement la révision des politiques et réglementations agricoles en Afrique sur des questions telles que la propriété foncière et les semences auprès des dirigeants, heureusement pas toujours avec succès, certains dirigeants africains (peu hélas) résistant, on va dire pudiquement, aux liens d’intérêts (bref, à la corruption…). D’autres, tel le Burkina-Fasso4, se réveillant trop tard, une fois que le mal est fait et que la plupart des cultures aient subi une dégradation dramatique de la qualité du coton burkinabè.

Pour plus d’information sur les pratiques de Monsanto et consorts en Afrique, je ne peux que vous conseiller aussi la lecture de ce document, publié par une autre ONG (le CETRI) et qui explique la main-mise de Monsanto sur l’agriculture sud-africaine5 et les dangers qui en découlent pour l’agriculture locale.

En outre, Monsanto, dont toutes les semences sont brevetées, considère posséder le droit de vie ou de mort (si je puis m’exprimer ainsi…) sur toute vente de semences dans un pays une fois qu’il en aura acquit le monopole. Ce qui lui permet de dicter ses conditions6 pour le renouvellement de celles-ci et connaissant les pratiques de Monsanto quant à la protection de ses brevets et surtout de ses intérêts financiers, je ne doute pas un instant que ceux-ci seront vigoureusement défendus. On peut prendre pour exemple le cas du Brésil où les agriculteurs produisant les semences ont des contrats exclusifs avec un distributeur unique et ont donc l’obligation de vendre la totalité de leur production à ce même distributeur7, ou encore l’obligation aux agriculteurs de racheter chaque année de nouvelles semences, car la réutilisation d’une partie de leurs récolte comme semence (ce qui se pratique couramment en Afrique et dans les pays pauvres) étant strictement interdite sous peine de procès8. On peut évoquer aussi les pratiques douteuses de Monsanto (fausses études, campagnes de dénigrement, corruption de scientifiques) pour faire croire à l’innocuité du Roundup9 ainsi quela mise sur le marché du remplaçant du Roundup (le brevet de celui-ci ayant expiré en 2015), le Dicamba dont les débuts semblent extrêmement prometteurs, surtout en ce qui concerne les ravages sur l’environnement10

 

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