Faire baisser la tension ? Hum, pas sûr que ce soit forcément bon pour les patients…

J’avais déjà parlé des nouvelles normes sur la HTA édictées en 2017 par l’American Heart Association (AHA) et l’American College of Cardiology (ACC) ici et . Celles-ci définissent l’hypertension au stade 1 (S1) comme une hypertension systolique de 130-139 mmHg ou diastolique de 80-89 mmHg et l’hypertension au stade 2 (S2) comme une hypertension de 140/90  mmHg ou plus. Avec, en prime, la notion qu’avec une pression artérielle de 120/60 mmHg, un patient est pré-hypertendu, et donc pas nécessairement à mettre sous hypotenseurs (quoique, quoique…) mais à surveiller attentivement (on ne sait jamais, en attendant des prochaines normes encore plus drastiques…).
En revanche, le JNC7 (Septième rapport du Comité national mixte sur la prévention, la détection, l’évaluation et le traitement de l’hypertension artérielle) publié en 2003 a défini l’hypertension S1 comme étant de 140-159/90-99 mmHg et l’hypertension S2 comme étant 160/100 mmHg ou plus alors que selon le JNC8PM, publié en 2014, le traitement antihypertenseur devrait être amorcé lorsque la tension artérielle est de 150/90 mmHg ou plus chez les adultes de 60 ans et plus ou 140/90 mmHg chez les adultes de moins de 60 ans.

Un article sur Mesdcape, à travers 2 nouvelles études, fait le point toutes ces nouvelles directives et ses conclusions sont pour le moins étonnantes.

La première des deux études utilisait les données des National Health and Nutrition Examination Surveys (NHANES) de 2011 à 2014 et de l’étude REGARDS pour estimer le nombre d’événements liés aux maladies cardiovasculaires (MCV) évités et les événements indésirables graves liés au traitement sur 10 ans chez les adultes américains de 45 ans et plus atteints d’hypertension, selon les trois scénarios suivants : recommandations de 2017 du ACC/AHA, réalisation des objectifs JNC7 ou des objectifs JNC8PM.
Dans ce groupe d’âge, un traitement antihypertenseur serait recommandée pour 17,9 millions selon la directive 2017 ACC/AHA, 14,4 millions selon la directive JNC7 et 9,6 millions selon la directive JNC8PM.

En 10 ans de traitement, l’atteinte des objectifs 2017 de l’ACC/AHA pourrait prévenir 3,0 millions d’événements cardiovasculaires (AVC, coronaropathie ou insuffisance cardiaque) comparativement au maintien des niveaux actuels de pression artérielle ; 2,5 million d’événements cardiovasculaires pour les objectifs recommandés par le JNC7 ; et 1,6 million pour celles du JNC8PM.
En même temps, l’atteinte des objectifs de pression artérielle de la directive 2017 de l’ACC/AHA pourrait entraîner 3,3 millions d’événements indésirables graves de plus liés au traitement ; 2,1 millions avec les objectifs JNC7 et 0,5 millions seulement avec les objectifs JNC8PM.

Autrement dit, plus d’événements indésirables graves que de bénéfices avec les nouvelles « recos » du ACC/AHA. N’ayant pas accès à l’étude complète, je n’ai pas de précision sur ces événements indésirables graves (serious !), mis à part le fait qu’ils sont… graves…

La deuxième étude utilisait les données de l’étude prospective MONICA/KORA auprès de 11 603 participants pour évaluer la proportion des sujets précédemment considérés comme en santé qui seraient admissibles à une hypertension selon la directive 2017 ACC/AHA et pour examiner la survenue des événements cardiovasculaires fatals selon un suivi décennal des participants souffrant de hypertension S1 et S2.
Dans le modèle ajusté en fonction de l’âge et du sexe, la mortalité liée aux MCV pour 1 000 personnes au cours de la période de suivi de 10 ans était de 1,61 cas pour l’hypertension S2, de 1,07 cas pour l’hypertension S1 et de 1,0 cas pour une TA élevée, par rapport à une TA normale.
Dans les modèles ajustés pour tenir compte d’autres facteurs, le risque de mortalité liée aux MCV était de 54 % plus élevé dans le groupe hypertendus S2 que dans le groupe à TA normale, mais le risque de mortalité liée aux MCV n’était pas significativement plus élevé dans le groupe hypertendus S1 et dans le groupe à TA élevée que dans le groupe à TA normale.
Il faut noter que l’obésité et l’humeur dépressive étaient associées à un risque accru de mortalité par MCV chez les participants atteints d’hypertension au niveau S2, mais sans aucun effet chez les participants ayant une TA normale.

Bref, une fois de plus on ne peut que constater que l’abaissement drastique des normes (cholestérol, tension) ne sert aucunement les intérêts des patients, mais surtout ceux des labos pharmaceutiques…

 

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