Le Ticagrelor de plus en plus contesté

En 2017, j’avais étudié l’efficacité des différents antiagrégant : les récents (à l’époque…) Efient (prasugrel) et Ticagrelor (Brilique) versus ce bon vieux Plavix (clopidogrel),

Hélas, l’Efient et le Ticagrelor, mis à part pour de très rare cas de non-réponse au Plavix, ne faisaient pas mieux que ce dernier. Leur très légère efficacité supplémentaire s’effectuant au prix d’une augmentation conséquente des hémorragies.

Fin 2024, je m’étais fait l’écho d’une première alerte concernant certaines malversations quant à l’autorisation de mise sur le marché du Ticagrelor1, celle-ci démontrant que Astrazeneca avait menti sur l’efficacité de celui-ci, manipulant les chiffres, maximisant l’efficacité et minimisant les cas de décès.

Une enquête complémentaire portant sur deux études complémentaires publiées dans Circulation, ONSET/OFFSET et RESPOND, a révélé que les critères d’évaluation principaux étaient inexacts, que des données manquaient dans la soumission à la Food and Drug Administration (FDA) américaine et que les centres d’étude n’avaient peut-être pas reçu la formation adéquate. L’enquêteur a identifié plusieurs problèmes d’intégrité des données dans les deux essais, certaines données ayant été falsifiées. Il a aussi constaté que plus de 60 des 282 résultats n’étaient pas présents dans les données soumises à la FDA, et que les niveaux d’activité plaquettaire de ces résultats étaient significativement plus élevés que ceux rapportés dans Circulation.

Une analyse de plusieurs essais cliniques majeurs sur le Ticagrélor réalisée par le Dr Eric Bates, co-auteur des recommandations américaines recommandant le Ticagrélor, a conclu que les idées reçues et les recommandations des essais cliniques en faveur du Ticagrélor par rapport au Clopidogrel pourraient être surestimées.

Bel euphémisme pour dire que Astrazeneca s’est carrément foutu de tout le monde en mentant comme un arracheur de dents.

Ce qui n’empêche pas le Ticagrelor d’être encore et toujours largement prescrit (ben oui, c’est nouveau, donc c’est mieux…) par des cardiologues qui ne doivent pas se tenir au courant de l’actualité médicale. À moins que leurs liens d’intérêts avec les labos soient tellement fort que prescrire un produit vendu beaucoup plus cher que son prédécesseur pour une efficacité identique (mais avec des effets secondaires plus graves…) ne les effraient pas !

Quant à la HAS, en 2011, lors de l’analyse concernant l’autorisation de mise sur le marché du produit, elle avait considéré que En association à l’aspirine, BRILIQUE apporte une amélioration du service médical rendu mineure (ASMR IV) par rapport au clopidogrel dans les syndromes coronaires aigus.
Malgré ce manque de résultats, elle avait considéré que Le service médical rendu par BRILIQUE est important, et avait donc autorisé son AMM et sa commercialisation à un prix 5 fois plus élevé que le Clopidrogel.

Notre gouvernement de bras cassés, qui cherche à faire des économies pour, d’après lui, sauver la sécu2 (ce qui se concrétise toujours par la réduction des prestations et de la qualité des soins !) ferait bien de se pencher sur la question. Le Ticagrelor n’est pas le seul médicament qui n’apporte aucun bénéfice pour un prix de vente largement supérieur à son prédécesseur : entre 2017 et 2024, le coût de traitement par patient des médicaments à ASMR IV est passé de 466 € à 725 €, soit une hausse de 55,5 %3. La solution serait que l’Assurance maladie cesse de rembourser des médicaments qui ne servent à rien, et dans le cas de produits n’apportant aucune d’amélioration significative, elle devrait rembourser ceux-ci au même prix que leur prédécesseur.

Le principal frein étant que le gouvernement risque de fâcher les labos qui vont pleurer que ce dernier freine l’innovation (ben oui, vendre un nouveau médicament qui ne sert à rien à un prix prohibitif, cela s’appelle de l’innovation…) ; les associations de patients qui sont toutes quasiment subventionnées par les labos et donc à leurs ordres vont pleurer que l’on refuse l’AMM de médicaments qui permettent de sauver des vies ; les médecins, formatés par les deux précédents, vont dire qu’on les empêche de soigner leurs patients. Quant à ces derniers, lobotomisés par tout ce petit monde, ils vont se plaindre que leur refuse de se soigner correctement.

En attendant, in fine, c’est toujours nous qui payons l’addition de ces errements…

 

1 réflexion au sujet de « Le Ticagrelor de plus en plus contesté »

  1. L’association policosanol (20 mg/j) + aspirine — et éventuellement clopidogrel — a été testée en prévention secondaire, dans des essais cliniques randomisés (Sanchez-Lopez J et al., 2018 https://leti.lt/hmn2 ; Xu K et al., 2016 https://leti.lt/x6sa). Le policosanol a réduit la réactivité plaquettaire dans une mesure similaire à une dose d’entretien élevée de clopidogrel sans augmenter le taux de saignement.

    Et le coût est dérisoire !

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