Allez savoir…
En tout cas, cette affaire présente de grandes similitudes avec celle des inhibiteurs de PCSK9 que j’ai relaté dans un précédent article1.
Cette fois-ci, il s’agit du Lequembi qui est médicament censé retarder la progression de la maladie d’Alzheimer. Celui-ci est autorisé depuis janvier 2023 aux États-Unis, malgré une procédure entachée d’irrégularité ainsi que de nombreuses malversations concernant la mise sur le marché de ce produit2 : lobbying intense de Biogen, accord de la direction de la FDA malgré le refus du comité consultatif, mensonges sur l’efficacité, masquage des effets secondaires importants, falsification des études, prix prohibitif, etc.
L’EMA (Agence européenne du médicament) avait, dans un premier temps, refusé d’accorder l’AMM, considérant que les effets secondaires graves constatés, à savoir des œdèmes et saignements cérébraux, rapportés à la faible efficacité du traitement, justifiaient un rejet clair et net du médicament. Les labos concernés (Eisai et Biogen) ont dû sérieusement mettre la pression par un lobbying intense sur cette institution, car après plusieurs séances de rattrapage, L’EMA a finalement a délivré l’AMM pour ce produit en novembre 2024. Néanmoins, elle a imposé de sévères restrictions : que le traitement ne soit proposé qu’aux patients qu’on considère les moins à risque d’effets indésirables, qu’ils subissent plusieurs IRM avant et pendant le traitement, et qu’ils soient attentifs à tout symptôme comme les vertiges, maux de tête, problèmes pour marcher ou vision modifiée3.
Eh oui, il faut savoir que non seulement son efficacité est plus que contestable, mais que les effets secondaires sont nombreux et sérieux : en moyenne, 22 % des patients prenant du Leqembi ont développé une hémorragie cérébrale ou un gonflement du cerveau et de nombreux patients sont restés handicapés après avoir été traités par ce médicament.
La HAS, au vu de ces résultats exceptionnels, a donc refusé d’accorder l’AMM de ce produit pour le marché français4.
Je cite quelques extraits justifiant cette décision :
- Ce médicament n’est pas présumé innovant
- une quantité d’effet modeste considérée comme non cliniquement pertinent
- le LEQEMBI (lécanémab) a un profil de tolérance préoccupant imposant des mesures de précautions strictes conduisant à une modification radicale du parcours de soin
- La qualité de vie n’a par ailleurs pas été évaluée de façon robuste
- les données d’efficacité sont issues d’une seule étude de phase III avec des résultats non cliniquement pertinents
- Ce médicament n’est pas susceptible de combler un besoin médical insuffisamment couvert
- …
Bien évidemment, les associations de patients et des médecins spécialistes ont crié au scandale et critiqué cette décision5.
L’association Vaincre Alzheimer évoque que « 47 % des personnes interrogées accepteraient ce traitement. Avec les « peut-être », ce chiffre atteint 73 %6 ».
Je vais citer ce qu’a écrit le magazine Que choisir sur ce sujet : « des médecins spécialistes de la maladie étaient montés au créneau pour défendre le lécanémab, auquel est aussi favorable l’association de patients France Alzheimer. Avant d’accorder du crédit aux positions des uns et des autres, il peut être utile d’aller vérifier à qui les laboratoires à l’origine du lécanémab ont accordé des financements ces dernières années… ».
Comme disait mon père : la messe est dite !
Soit les patients ne sont pas mis au courant des risques que lui font courir ce médicament pour une efficacité quasi nulle, soit ils sont inconscients…
Il est bon aussi de faire remarque que le traitement revient à plus de 22 000 dollars par an et par malade.
Une fois de plus, chapeau bas à la HAS qui, malgré un lobbying intense, a su refuser un médicament hors de prix et qui ne sert quasiment à rien si ce n’est à handicaper un peu plus (et gravement…) les patients.
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3 Que choisir : Une autorisation du lécanémab (Leqembi) qui pose question
4 HAS : Décision n° 2025.0204/DC/SEM du 4 septembre 2025 du collège de la Haute Autorité de santé portant refus d’accès précoce de la spécialité LEQEMBI (lécanémab)
5 France Info : « On est extrêmement déçus » : quatre questions sur le refus de l’accès précoce au Leqembi, un médicament contre Alzheimer, par la Haute Autorité de santé
6 Vaincre Alzheimer : La HAS refuse l’accès précoce au Leqembi® : un nouvel espoir pour ralentir la maladie d’Alzheimer freiné