Trial CORONA

Titre officiel :

Controlled Rosuvastatin Multinational Trial in Heart Failure

Date de publication :

29 novembre 2007

Durée :

4 ans

Sponsor :

AstraZeneca

Conflits d’intérets :

Non indiqués (ce qui ne signifie aucunement qu’il n’y en a pas…).

Participants :

Un total de 5011 patients âgés d’au moins 60ans avec une insuffisance cardiaque systolique d’origine ischémique de classe II, III, or IV selon la classification de la New York Heart Association (NYHA) ont été choisis au hasard pour recevoir 10 mg de rosuvastatine ou un placebo par jour. Le résultat composite principal était le décès par causes cardiovasculaires, infarctus du myocarde non fatal ou AVC non fatal. Les résultats secondaires incluaient le décès par toute cause, n’importe quel événement coronarien, décès de cause cardiovasculaire et le nombre d’hospitalisations.

Interventions :

  • 10 mg of ROSUVASTATIN (Crestor)
  • Placebo

Sources :

NEJM – Rosuvastatin in Older Patients with Systolic Heart Failure

Quelques réflexions concernant cette étude clinique :

Ce trial porte sur des patients âgés de plus de 60 ans (age moyen : 73 ans) ayant une insuffisance cardiaque de cause ischémique. Il faut noter que les patients ayant déjà présenté une myopathie ou une réaction d’hypersensibilité induite par une statine étaient exclus ! De même une insuffisance cardiaque décompensée ou le besoin de recevoir un agent inotrope, un infarctus du myocarde dans les 6 derniers mois, de l’angine instable ou AVC dans les 3 derniers mois, une angioplastie, un pontage aorto-coronarien, l’implantation d’un pacemaker biventriculaire ou d’un défibrillateur-cardioverseur implanté au cours des 3 derniers mois étaient, entre autre, des critères d’exclusion.
Autrement dit, les auteurs de cet essais minimisent les risques en excluant d’office les personnes présentant une forte possibilité d’effets secondaires due aux statines !

Quelques chiffres :

Pour les complications cliniques, on ne trouve pratiquement aucune différence entre les deux groupes avec 487 et 488 décès cardiaque dans le groupe statine et le groupe placebo, 316 et 327 morts subites et 193 et 191 épisodes d’aggravation de l’insuffisance cardiaque (avec hospitalisation) sur une période de 34 mois environ. La mortalité totale est peu différente dans les 2 groupes avec 728 et 759 décès.

En fouillant un peu plus :

En lisant attentivement le rapport, on peut noter quelques réflexions plutôt troublantes :
Il est spécifié que les patients dans le groupe rosuvastatine avaient réduits leur niveau de cholestérol (LDL) de 45,0 % et leur niveau de protéine C – réactive de 37,1 % donc, puisque d’après les hautes instances cardiologiques (et les labos bien évidemment…) le cholestérol est la cause majeure des décès cardiovasculaires, normalement nous aurions dû observer une baisse spectaculaire de ces mêmes décès. Or, et les auteurs insistent sur ce fait de nombreuses fois, il n’y a aucune différence significative entre les deux groupes pour les événements coronariens ou décès par causes cardiovasculaires. Pour un médicament sensé réduire (enfin vendu comme tel…) les décès par cause cardiovasculaire, il est vraiment dommage que l’efficacité ne soit pas au rendez-vous !
Ensuite nous trouvons quelques doutes : Nous ne savons pas exactement pourquoi la rosuvastatine n’a pas réduit la fréquence du critère principal. Étonnant surtout quand on voit le matraquage en faveur des statines…
Nous pouvons quand même trouver quelques points de satisfaction malgré le manque d’efficacité sur la réduction des décès. En effet, les auteurs se félicitent du fait que le médicament ait réduit le nombre d’hospitalisations cardiovasculaires. Succès qu’il faut hélas tempérer car bien qu’il y avait nettement moins d’hospitalisations de tout type (y compris pour des causes cardiovasculaires et insuffisance cardiaque) dans le groupe rosuvastatine que dans le groupe placebo, il faut noter qu’il n’y n’avait aucune différence dans le nombre d’hospitalisations pour angor instable ou pour cause non cardiovasculaires.

Effets secondaires :

Donc un peu moins d’hospitalisation mais qu’en est-il des effets secondaires dus aux statines ? Malgré un silence habituel sur ce sujet, nous trouvons quand même plusieurs allusions à ceux-ci : nous avons constaté que la rosuvastatine n’était pas associée à un trop grand nombre d’effets indésirable. Pas un trop grand nombre d’effets indésirables, ce qui signifie un grand nombre d’effets indésirables quand même … Ce qui semble confirmé par la suite : Les statines pourraient nuire également chez ces patients car ils réduisent la synthèse de coenzyme Q10 (un cofacteur dans la chaîne mitochondriale de transport des électrons et un antioxydant) et de la production de selenoproteine, ce qui pourrait conduire à une myopathie cardiaque et squelettique. Ce que confirme aussi le document « ACC/AHA/NHLBI Clinical Advisory on Statins »[1] sur le site de l’American Heart Association et qui décrit l’aggravation des cas de myopathie due aux statines chez les personnes âgées…
De plus, qu’en est-il sur le long terme ? L’étude ayant durée 4 ans et le traitement par statines étant à prendre quotidiennement tout au long de la vie, il me semble peu probable que les effets secondaires s’atténuent avec le temps !

Efficacité de la statine testée dans le cadre de cette étude :

Résultats de la statine testée sur la mortalité cardiovasculaire et globale :
ROSUVASTATINPlaceboEfficacité ROSUVASTATIN vs Placebo
Nombre de participants25142497
Nbre%Nbre%% d’efficacité absolue% d’efficacité absolue annuelleNNT annuel
Décès par maladie cardiovasculaire48819,41%48719,50%0,21%0,09%4343
Décès toutes causes72828,96%75930,40%1,44%0,36%278

(*)NNT : Number Needed to Treat, c’est à dire le nombre de personnes à traiter (annuellement dans ce tableau) pour éviter un évènement.
Ce qui veut dire qu’annuellement, selon ce test, avec un NNT de 4343 et 278, il a été traité inutilement 99,91% et 99,64% des patients respectivement.
Pas d’autres commentaires !

Pour conclure, je terminerai par cette phrase extraite du rapport :

En résumé, nous avons constaté qu’un traitement quotidien avec 10 mg de rosuvastatine n’a pas réduit le critère principal (décès par causes cardiovasculaires, infarctus du myocarde non fatal ou accident vasculaire cérébral) chez des patients présentant une insuffisance cardiaque ischémique, systolique vulnérables, ces personnes âgées ayant déjà reçu un traitement étendu avec des médicaments pour les maladies cardiovasculaires.
Donc bilan nul…


  1. American Heart Association : ACC/AHA/NHLBI Clinical Advisory on the Use and Safety of Statins

Dernière modification : 2020-05-05